Deux djihadistes français de 32 et 34 ans ont décimé la rédaction d’un journal satirique à cause de son contenu considéré comme offensant pour les croyants de l’islam. Le numéro vendu à 500 000 exemplaires en février 2006 des caricatures de Mahomet aurait mis le feu aux poudres de la planète islamiste et de ses deux envoyés qui, au bénéfice d’un relâchement de la surveillance policière, ont commis leur forfait. C’est la version officielle. Personne ou presque ne la conteste.
Il y a une autre lecture des événements dits « de Charlie Hebdo », l’équipe qui a été massacrée le mercredi 7 janvier 2015, en fin de matinée.
Pour ce qui concerne la fusillade, il n’y a pas de doute, de débat, de « complotisme » possible : les frères Kouachi sont bien entrés dans l’espace théoriquement sécurisé et ont abattu 11 personnes à l’intérieur, puis le policier Ahmed Merabet en sortant. Le lendemain et le surlendemain, leur complice Amedy Coulibaly assassine une policière puis quatre clients d’une épicerie casher, toujours à Paris. Les trois assassins seront abattus quasi simultanément sur deux terrains d’opération par les forces de l’ordre le vendredi 9 janvier.
Au cours de l’assaut, Riss, le nouveau patron du journal (il possède 67% des parts après de houleuses négociations) sera sérieusement blessé, ainsi que trois autres de ses confrères.
Trois ans plus tard, Charlie fait toujours couler autant d’encre, surtout depuis la couverture sur Edwy Plenel et la réactivation des menaces de mort contre ses dessinateurs. Rappelons que l’équipe entière du journal – qui a été renouvelée à 90 % – est suivie jour et nuit par une sécurité renforcée. Drôle de destin pour des antiflics primaires...
Charlie 712, histoire d’une fatalité ou d’une programmation ?
Quelle leçon retenir de cet épisode tragique ? Quid en 2017 de la liberté d’expression, pour laquelle plus de quatre millions de Français ont manifesté le dimanche 11 janvier 2015 ? Charlie a-t-il sanctuarisé la liberté d’expression ? Apparemment non. C’est même le contraire qui s’est passé. On peut dire ce que dit Charlie, pas le contraire. On ne peut plus remettre Charlie en question, c’est le prix – ou le privilège – du sang.
Un documentaire passé relativement inaperçu nous a interpellés, qui retrace le débat interne au journal avant la publication des fameuses caricatures de Mahomet en février 2006, numéro qui remettra le journal sur les rails, alors qu’il était en nettes difficultés financières.
Pour être honnêtes, de moins en moins de Français lisaient cet hebdomadaire qui, 40 ans après Mai 68, continuait à taper sur les flics, les curés et les militaires, cette trilogie honnie par Val et Cabu qui avaient repris – voire détourné – le titre en 1992 à Cavanna et surtout à Choron [1]. L’histoire de cette subtilisation est connue, nous n’y reviendrons pas. Même au cœur de la pure gauche donneuse de leçons, l’avidité et la cupidité peuvent sévir.
Vendre, mais à quel prix ?
Le documentaire intitulé Charlie 712 (le fameux numéro 712), réalisé en 2015, revient donc sur l’histoire de ce bouclage historique, mais aussi sur les doutes qui s’emparent de la rédaction, dessinateurs et journalistes, quant à la diffusion de caricatures déjà publiées dans un journal danois, publication qui avait déjà provoqué un ouragan dans le monde musulman. L’équipe savait qu’elle allait vendre, mais qu’il y aurait des risques. Val et Fourest, en tête de la contestation anti-islamiste – au nom de la laïcité et de la défense de la liberté d’expression – mènent la danse et emportent la décision : le numéro choc va sortir. Cabu, pourtant très valophile, tangue. Il aura des doutes prophétiques, tragiquement prophétiques.
Nous avons relevé les déclarations qui ont pris un sens ou un relief nouveaux depuis le 7 janvier 2015. Le moteur de la transformation du journal anarchiste en brûlot islamophobe est sans conteste Philippe Val, qui se révèlera un agent ouvertement atlanto-sioniste. Nous ne connaissons pas les raisons de ce revirement, Val étant à l’origine un gauchiste 68-tard anti-impérialiste qui chantait des chansons lubriques avec son compagnon Patrick Font. Seul ce dernier ira en prison pour agressions pédophiles.
13’11 – Philippe Val, alors patron et actionnaire principal du titre : « Maintenant qu’est-ce que vous voudriez qu’on fasse ? Vous êtes d’accord pour qu’on publie les dessins, qu’est-ce que vous en pensez ? Moi je pense qu’il faut mais bon… »
13’29 – Tignous tombe dans le piège : « Si le sujet comme tu dis est si important, si les journaux nous attendent comme tu le dis etc., etc., si on a cette responsabilité aussi importante, on fait pas une deux trois, on fait tout le journal ! »
13’43 – Fourest prend la parole :
« Euh, juste un détail, c’est que la menace en face elle existe réellement, que tout journal qui s’amusera à reprendre ces dessins de fait prend la responsabilité d’être menacé, faut juste qu’on le sache. Sur les forums islamistes français… y a quand même des gens qui écrivent “qu’Allah maudisse ces criminels, j’espère qu’ils seront tous solidaires dans le feu”. »
À toutes les étapes du processus de décision qui s’avèrera au final dramatique, les dessinateurs se couchent devant la volonté de Val, qui possède 80 % des parts avec Cabu, et donc 40 % de la décision. Cabu suivant fidèlement Val, eux deux ont plus de poids que toute la rédaction réunie. Même dans un journal de gauche, l’actionnariat majoritaire emporte la décision finale. Une conférence de rédaction ressemble à un conseil d’administration, le bordel gauchiste et créatif en plus.
22’41 – Wolinski : « Je laisse Val discourir parce que lui il sait bien faire ça, lui. »
Cabu reprend : « Il sait bien faire. »
Cabu, visionnaire malgré lui : « Mais on peut dire que pour la première fois le dessin, c’est un événement mondial provoqué par le dessin quand même... Ouais, ouais, ouais, on déclare la Quatrième Guerre mondiale. »
On voit que la décision ne sera jamais collégiale, démocratique. Un par un, le couple Val-Fourest va décrocher les dessinateurs de leur « isolationnisme », de leur « pacifisme », de leurs craintes. Car il s’agit d’entrer en guerre. De déclencher ou de redéclencher la guerre mondiale contre l’islam. Les propos des uns et des autres sont parfaitement clairs, qu’on les prenne au premier ou au second degré ! Val et son lieutenant Fourest ont un projet guerrier, pas les dessinateurs. Et comme souvent, ce ne sont pas les fauteurs de guerre qui vont aller au carton…
Charlie allume la mèche, sous prétexte de « liberté d’expression »
28’10 – Cabu cherche la couv : « Comme dit Riss on nous attend avec une grosse tête de Mahomet. »
Val reprend : « Je pense qu’on nous attend avec une grosse tête de Mahomet oui. »
28’42 – Une voix de femme, prémonitoire : « Ça va péter, ça va péter le journal. »
Naturellement, le pas-encore-président mais déjà ministre de l’Intérieur (et des Cultes) Nicolas Sarkozy va dans le sens de Philippe Val.
30’24 – Déclaration du ministre de l’Intérieur et des cultes Nicolas Sarkozy sur LCI : « C’est ça la démocratie, et ça c’est pas négociable ! [...] Autant que faire se peut, il faut éviter de blesser » , poursuit-il en souriant.
Sarkozy est dans l’après « émeutes de 2005 », et tout ce qui peut montrer la France des banlieues en colère ou en flammes est bon pour son élection. Car lui a un argument de campagne massue : la tolérance zéro, solution à 180 degrés du gauchisme pour qui le social a encore une responsabilité dans l’Histoire et les événements.
Le dimanche du bouclage, il y aura une manifestation de musulmans de Nation à Bastille contre les caricatures.
30’45 – Sarkozy lance sa fameuse phrase qui sera reprise lors du procès intenté par les associations musulmanes à Charlie Hebdo pour blasphème : « Je préfère l’excès de caricature à l’excès de censure. »
À la rédaction de Charlie, dans l’ambiance générale de plus en plus val-fourestisée, on trouve la phrase de Sarkozy très bien :
31’13 – Wolinski en plaisantant : « Je vais peut-être voter Sarkozy finalement. »
Tout ce petit monde de gauche, sous le parapluie de l’oligarchie, se sent en sécurité. Pourtant il y a congruence entre les buts cachés du numéro à venir et l’idéologie du candidat atlanto-sioniste : le premier va gagner une masse d’argent et de notoriété sur le dos des musulmans, le second va leur devoir en partie son élection en en faisant un repoussoir national.
Ainsi la gauche se piège-t-elle toute seule en choisissant la voie – politiquement – dangereuse de l’islamophobie. Attention, nous n’affirmons pas ici, avec la facilité du recul, que l’attentat était prévisible. On ne parle que de la confusion de deux directions idéologiques. Il semble qu’une partie de l’oligarchie à la manœuvre poussait Charlie vers un acte de guerre ouverte. On apprendra par la suite, lors de la nomination de Val à la tête de France Inter – le prix de l’ingénierie ? – que l’ex-patron de Charlie était un proche de la future première Dame Carla Bruni. Il n’est même pas nécessaire de convoquer un quelconque argument complotiste pour comprendre que le repositionnement en première ligne de Charlie se traitait en haut lieu. Selon la verticale Sarkozy-Val-Fourest.
32’28 – Wolinski est presque lucide sur le journal danois : « Ils sont réacs les types qui ont fait ça en plus, c’est des gens de droite, c’est un journal de droite. »
Mais le dessinateur ne fait pas le lien avec une éventuelle manipulation.
33’36 – Val devant les projets de couverture emploie un vocabulaire guerrier : « C’est une bombe la couverture aujourd’hui, parce que ça a été annoncé partout, donc faut que ça soit fort, ferme, et que ça laisse pas prise à… »
34’42 – L’avis du commissaire politique en second Fourest : « “Touche pas à mon Mahomet” moi je la trouve vachement bien. “Touche pas à mon Mahomet” c’est même la ligne de tout le numéro. Elle est super bien. Elle est d’autant mieux qu’elle te fait mesurer comment on est passés de “Touche pas à mon pote”, antiraciste, à “Touche pas à mon Mahomet”, ce qui est plus de l’antiracisme, c’est de l’antiblasphème. »
36’13 – Quelqu’un, rappelant le projet premier du journal, lance : « Il faut faire rire, quand même. »
41’23 – Val sort l’accroche de ce qui sera la une, sur un dessin de Cabu : « C’est dur d’être aimé par des cons. »
42’48 – Val s’autojustifie : « Ça insulte pas Mahomet. »
Non, simplement tous les croyants !
46’04 – Cabu, inquiet : « Vous croyez qu’on va sauter ? »
Le CFCM demandera sans succès la saisie du numéro avant sa parution. La manifestation des musulmans à Paris ne donnera rien. Les musulmans ne pèsent rien, politiquement. Et Sarkozy, qui a été à l’origine de la création du CFCM, divise et tient l’islamosphère politique française.
47’47 – La voix off de fin : « Quant au président Chirac, il a déclaré “je condamne toutes les provocations manifestes susceptibles d’attiser dangereusement les passions”. »
48’05 – Conférence de presse de Val, toujours dans une rhétorique guerrière : « Il s’agit d’attaquer [2] les terroristes ! Si on n’a plus le droit de faire, de rire avec ça, de faire la satire de l’idéologie terroriste, qu’est-ce que le simple citoyen, qu’est-ce qu’il lui restera pour se défendre s’il a même plus le rire pour vaincre ses peurs ? »
48’30 – La voix de Wolinski : « Toute liberté est fragile. Nous risquons que les bien-pensants reprennent le pouvoir et limitent les libertés que nous avons chèrement acquises et il faut se battre, il faut sans arrêt se battre. »
Quand on regarde ce documentaire (réalisé en 2015 par Philippe Picard et Jérôme Lambert) sur des images de 2006 avec les yeux d’après l’attentat, et avec l’hypothèse que Val et Fourest sont deux agents de l’atlanto-sionisme ou du moins de l’islamophobisme, alors le simple film d’un bouclage prend une couleur et une dimension nouvelles.
Une rédaction pacifiste est entraînée dans une guerre qu’elle n’imagine pas. Cabu et ses « héritiers » les dessinateurs Charb, Tignous, Honoré et compagnie, tous de sincères gauchistes anti-impérialistes, ont fini, à travers une opération tordue digne d’un service, par devenir eux-mêmes les agents d’une provocation française puis mondiale contre les croyants d’une religion dans le viseur de l’oligarchie depuis le 11 Septembre.
Le « 11 Septembre français », c’est ainsi que nous avions renommé sur E&R cette journée tragique du 7 janvier 2015.
Philippe Val et Caroline Fourest ont, avec le recul, engagé une rédaction naïve – elle pensait « liberté d’expression » alors qu’on l’entraînait dans un processus de guerre – à monter dans un train dont les freins étaient sabotés. Eux ont sauté en marche avant le choc, et sont les survivants d’une opération dont ils sont les coresponsables stratégiques objectifs.
Cabu sourit gentiment, Cavanna se tait, car le journal ne fait plus de l’humour, mais de la politique. C’est bien la paire Val-Fourest qui mène la danse, et les dessinateurs – qui vont mourir – se soumettent. Les caricatures de Mahomet, c’est l’été 1914, la préparation à la guerre dans un pays ignorant du massacre qui se prépare. Charlie, journal de gauche, a glissé sous l’impulsion de sa direction politique – les deux commissaires politiques précités – dans un conflit antimusulman ou prosioniste des plus dangereux et qui le dépassait complètement.
Fabrication d’un crash
Pendant ce temps, en face, et dans l’ombre, deux frères se préparent – ou sont préparés – à l’action. Malgré le suivi par le renseignement antiterroriste des ces deux djihadistes évidents, connectés à des responsables français de la hijra (départ en Syrie), à l’approche de 2015, la surveillance se fait plus lâche. À la fois des deux frères (malgré un voyage au Yémen en 2011), et devant les locaux du journal visé. Ce sont des faits. Des deux côtés les portes s’ouvrent, en même temps, rendant le drame possible.
En prenant en compte le « couple » formé par la rédaction de Charlie et la paire de terroristes, on se rend compte qu’un travail a été fait à l’intérieur du journal pour militariser une rédaction naïve, et qu’un travail parallèle a été fait pour militariser deux pseudo-islamistes. Deux trains ont été dirigés, manipulés, puis lancés à vive allure l’un contre l’autre. Il a en outre fallu un chef de gare pour changer les aiguillages et mener les trains sur la même voie. Les agents ou infiltrés qui ont participé à l’élaboration de cette rencontre dramatique ont évidemment sauté en marche.
Attention : nous ne disons pas que la paire Val-Fourest savait ce qui allait arriver, c’est même probablement le contraire. Mais leur travail politique a été utilisé de façon à ce que le drame arrive. C’est un étage de la fusée qui va au final exploser. Un autre travail politique était à l’œuvre en face, sur deux désœuvrés. Des deux côtés, des ignorants ont été travaillés, formés, manipulés puis envoyés les uns contre les autres. Et tous sont morts. Terrible cas d’un conflit triangulé qui aura choqué la France. Qui savait quoi aux étages supérieurs, c’est la grande question que l’histoire devra résoudre.